Patrick Levy
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Dieu leur parle-t-il Texte intégral
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Dieu croit-il en Dieu? Extraits
EXTRAIT

"DIEU LEUR PARLE-T-IL ?", rencontre avec...


*Joseph Sitruck, Grand Rabbin de France;
*rabbi Isaac Goldman;
*Daniel Farhi, rabbin, Président du Mouvement Juif Libéral;
*Monseigneur Jacques Gaillot;
*Gérard Bénéteau, curé de l'église saint Eustache;
*Philippe Laguérie, abbé de saint Nicolas du Chardonnet;
*Claude Lagarde, théologien et catéchiste;
*Stan Rougier, prêtre et écrivain;
*Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris;
*Walli, un pratiquant soufi;
*Larbi Kechat, recteur de la mosquée Adda'Wa;
*Anila Rinchen, nonne bouddhiste au monastère de Kagyu Ling;
*Denys Teundroup, lama, responsable du centre d'études bouddhique Karma Ling;
*Swami Veetamohananda, responsable du Centre védentique Ramakrishna de Gretz;
*Ananda Giri Maï, saddhu, naga, ermite vivant en Aveyron. 
Chez Desclée de Brouwer, 1997; 432 pages, 195 Fr. Epuisé.




Prologue

Le Roi des Khazars dort. Soudain, un ange apparaît et lui déclare: "Roi, si Dieu loue ton coeur, il n'est pourtant pas satisfait de tes oeuvres". Ces paroles dites, l'ange s'envole. L'avertissement est clair. Le Roi se met aussitôt à chercher une foi qui plaise à Dieu. Pour cela, il fait venir un philosophe, un chrétien, un musulman et un juif. Il les invite à exposer leurs croyances. Cependant, il leur réclame des preuves et des arguments qui contentent la raison. L'un d'eux finit par convaincre ce monarque du VIIe siècle qui se convertit. Ne sommes-nous pas tous ce personnage, à la fois libres et puissants; et capables d'élargir nos horizons spirituels, à même de confronter notre fois, de la comparer et de choisir?
Avec "Dieu leur parle-t-Il?", j'ai souhaité réunir, autour de mêmes questions et dans un même livre, différentes traditions religieuses. Celles-ci sont représentées à la fois par certains de leurs porte-paroles officiels mais aussi par ses pratiquants anonymes. Cet ouvrage n'en constitue pas pour autant une joute. Il ne prétend pas non plus brosser un tableau exhaustif ou d'établir un état des lieux de la religion. Il s'agit plutôt d'une rencontre avec quelques uns de ceux qui font, vivent et font vivre la religion en France. J'ai laissé chacun exposer sa vérité, la questionnant de temps en temps pour tenter de mieux la comprendre.
J'ai abordé avec mes interlocuteurs ces questions spirituelles trop souvent écartées par les médias. A entendre le vacarme médiatique sur les questions de sexualité, de préservatif, de contraception, on finirait par croire que la spiritualité et la religion se limitent à ces sujets et aux encycliques pontificales les concernant. Je souhaitais les interroger sur le "fondamental": De quoi parlent-ils lorsqu'ils parlent de Dieu? Connaissent-ils ce Dieu? Quelle est leur relation personnelle avec lui? Comment s'est bâtie, a progressé, se maintient leur relation avec lui? Comment envisagent-ils la place de l'homme dans la création? Quelle est leur vision du monde? Que signifie pour eux le libre-arbitre, la souffrance, le pardon, la peur, le bonheur, la tolérance? Qu'attendent-ils de la mort? L'humanité a-t-elle fait des progrès spirituels depuis la révélation de Moïse, de Jésus-Christ et de Mahomet? Quel chemin reste à parcourir pour le millénaire à venir? Quelle est ambition spirituelle pour le XXIe siècle? Quelle prise de conscience permettrait à chacun d'y prendre part?...
Ces témoins sont des hommes, avec leurs croyances et leurs incohérences, leurs zones d'ombre. Contrairement à ce que laissent supposer les discours officiels et les credo, j'ai vu autant de religions que de religieux. Sur des questions spirituelles, métaphysiques et même morales, certains de mes interlocuteurs ont pris des distances avec les dogmes de leur confession. Ils avaient parfois une pensée personnelle qui osait contredire ou édulcorer les croyances établies. Rares sont ceux qui affirment péremptoirement que ce qu'ils croient ou affirment est LA vérité. La plupart cherchent, s'interrogent. Le dogmatisme est une fourmi qui cache la montagne des individualités. La liberté de penser existe, même si elle ne se montre pas toujours au grand jour. Dieu s'y révèle terriblement subjectif, et d'une certaine manière cela est rassurant: la foi et l'expérience de Dieu ne sont pas des acquis monolithiques. Elles reposent sur des contradictions, des conflits, des forces inconscientes et les événements qui tissent l'histoire personnelle de chacun. Elles se communiquent aussi, au détour d'une réponse, d'une expérience qui se révèle en quelques mots, et qui illumine un instant ou durablement celui qui la recueille, et qui me fait dire comme les compagnons d'étude de rabbi Siméon "Si je n'étais venu au monde que pour entendre cette parole, cela m'aurait suffi".
Derrière ce souci de faire s'exprimer la foi sous ses multiples aspects, il y a bien sûr celui de réduire la prétention exclusiviste de chacune d'elle prise en particulier; il y a surtout la volonté de prendre le risque, loyalement encouru, de m'exposer à la vérité de l'autre, et le renoncement à m'attacher à mon point de vue à tout prix dans l'écoute de bonne foi qui pourrait me convertir.
Un mot encore. Pendant plus de dix ans, j'ai étudié et pratiqué les cinq grandes religions (judaïsme, christianisme, islam, hindouisme et bouddhisme) avec certains de leurs maîtres. Etudier c'est acquérir un savoir. Dans le domaine religieux, c'est la théologie et la métaphysique, un système de pensée sur lequel se fonde une tradition. Pratiquer signifie expérimenter les méthodes qui permettent de passer du savoir (la théorie) à la connaissance (une expérience). Passer d'une forme de culte à une autre, d'un nom de Dieu à un autre, d'une représentation cosmogonique à une autre, ne me posait aucun problème. J'ai toujours été étranger à toute notion d'identification avec la religion. Bien que d'origine juive, lorsque j'ai commencé à m'intéresser aux questions spirituelles, j'ai fréquenté toutes les religions avec la même liberté, le même respect, mais sans complaisance. Notre intérêt pour la croyance d'un homme ne nous contraint pas à l'adopter ni à réprimer les interrogations qu'elle suscite. Si la foi est un domaine inquestionnable, tout ce qui se construit sur elle, pour être transmissible, doit s'appuyer sur une certaine cohérence et éviter de démentir la réalité que nous constatons. J'essaie donc de parler la langue de mes interlocuteurs, tout en conservant un esprit critique, rationnel et logique autant que je le peux. 
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